La Saône

Son nom le plus ancien est BRIGULUS, fleuve de Gaule Celtique.

Ce sont les commentaires de César qui mentionnent pour la première fois cette rivière sous le nom d'ARAR.

C'est l'historien Amien Marcellin (IV siècle) qui cite pour la première fois le nom celtique "SAUCONNA" pour désigner l'ARAR (nom d'origine gréco-latine).

Elle figure encore sous ce nom (ARAR) dans Grégoire de Tours (VIIe s.) ; c'est de cette époque qu'elle apparait sous les noms de Saucona, puis Saogouna.

Sagonam (810); Sagonne (993); Soana (1215); Saonna (1237); Saganna (1268); Saone (1285); Segonna (1318); Sone (1367); Soosne (1395); Sogne (1405); Soine (1441); Soène (1441); Soone (1447); Sone (1449); .

La recherche des voies romaines dans le sud du département des Vosges (la Vôge) a amené l'association archéologique "LA ROYE DEMANGE" a rechercher les limites nord de navigation à l'époque gallo-romaine.

Si Corre semble être ce point pour des navires d'un certain tonnage, les archives nous montrent qu'à partir de Monthureux-sur-Saône, la Saône est déjà navigable, ainsi que depuis Selles sur le Coney.
De ces points de déchargement, les marchandises transitaient par voie terrestre vers la Meuse et la Moselle.

Voici quelques extraits de l'étude historique réalisée par Jules FINOT sur la Saône qui nous a permis de retrouver ces limites de navigation.

Ouvrage déposé à la Bibliothèque Nationale de France.

Antérieur à la conquête romaine.

Les Séquanes et les Eduens se disputent la perception des droits de péages sur la Saône.
L'établissement de péage à une époque si reculée (antérieure à la conquête romaine) indique que depuis une haute antiquité la Saône était une voie commerciale importante, peut-être même l'unique intermédiaire reliant, grâce au Rhône, le nord avec le midi de la Gaule.
Quelles devaient être alors les marchandises faisant l'objet du commerce et de la navigation de cette rivière ? Strabon mentionne les excellentes salaisons des Séquanes qui étaient exportées jusqu'à Rome.
A ces denrées il est permis d'ajouter les bois de construction provenant des forêts des Vosges et les laines que produisait en abondance le pays des Lingons.

César.

Ce sont les commentaires de César qui mentionnent pour la première fois cette rivière sous le nom d'Arar. D'ailleurs, la manière dont s'exprime le grand général indique qu'il était le premier à en parler : "l'Arar, dit-il, est un cours d'eau qui, coulant entre les Eduens et les Séquanais, tombe dans le Rhône ; son cours est d'une lenteur si prodigieuse, que l'œil ne peut apercevoir de quel côté se dirigent ses eaux".

A César nous rattachons les historiens grecs qui ont raconté ses campagnes des Gaules. Plutarque appelle la Saône Arara, et Dion Cassus Arararis, noms à forme grecque d'Arar.

Elle changea de nom lorsque "ARAR entré dans la forêt pour chasser, trouva son frère Celtibére dévoré par des bêtes fauves, ce qui lui causa une si violente douleur, qu'il se frappa mortellement et tomba dans le fleuve BRIGULUS, qui depuis cet événement prit le nom d'ARAR" .

D'après le P. Penon, Arar viendrait du mot celtique arat, d'où les Latins ont fait arare, labourer, et aratrium, charrue, que les Gaulois nommaient arar.
Les Gaulois, dit-il, auraient voulu exprimer par là que la Saône va lentement.

Quant aux étymologies présentées pour le mot Saône, elles ne sont pas moins nombreuses Gollut et Paradin prétendent que cette rivière a été appelée sauconna parce que ses eaux avaient été teintes du sang des martyrs.…. "Depuis le temps de Septimus Severus, dit Paradin la Saône fut nommée Saugona, a sanguine martyrum, du sang des martyrs. Ainsi est nommée par Ammianus Marcellinus… et ne se faut esbahir de ce nom, car il fut dès lors fait tel carnage et boucherie des poures citoyens Lyounois pour la querelle de la foy chrétienne, que la rivière de la Saône, toute teinte de sang, en regorgea jusques vers Mascon ; et en perdit ce fleuve son nom antique, en prenant un autre de ce sanglant massacre, qui lui est demeuré jusques aujourd'hui."
Pour Coulon, "la Saône est la plus vénérable des rivières du monde pour avoir été consacrée du sang des martyrs de la foy."

Bullet prétend que le mot Saône a la même signification que celui d'arar et qu'il désigne, en langue celtique, la lenteur du cours de cette rivière. "sach, sag, dormante en parlant de l'eau ; on, rivière.

Il en est de même du nom de Brigulus que l'on trouve dans le traité des fleuves faussement attribué à Plutarque. Bru, rivière, cours d'eau ; gout, qui dort.

Sous César et sous Auguste, cette navigation prit un plus grand développement, et Antoine, dans son panégyrique de César put s'écrier : "Non-seulement la navigation est florissante sur le Rhône et la Saône, mais aussi sur la Meuse, la Loire, le Rhin, et même sur l'Océan."

Un canal.

Afin de faciliter les relations commerciales entre le Nord, et le Midi de la Gaule, Lucius Vetus, qui commandait sous le règne de Néron et au nom de ce prince dans une partie des Gaules, conçut, le projet de joindre la Moselle à la Saône par un canal .
Il se proposait d'unir ces deux rivières par un canal, afin que les troupes embarquées sur la Méditerranée, transportées ensuite sur le Rhône et la Saône, puis au moyen de ce canal sur la Moselle, et de là sur le Rhin, pussent arriver promptement ainsi sur les bords de l'Océan ; ou eût évité, par ce moyen, les difficultés que présentent les longues marches, et par la navigation mis en communication rapide les côtes du Nord avec celles de l'Occident. Tacite ajoute qu'Aelius Gracilis, lieutenant de la Belgique, fit avorter ce projet en alarmant Vetus sur le danger de porter des légions dans une province qui n'était pas la sienne, et de briguer l'affection des Gaules ; l'empereur ne manquerait pas d'en prendre de l'ombrage.

Quelques documents viennent attester aussi que l'invasion des barbares ne fit pas cesser complètement la navigation et le commerce de la Saône.
Ainsi, au milieu du Ve siècle, quand les Burgundes, les Wisigoths, les Francs et les Huns se ruaient sur la Gaule, un des principaux écrivains de cette époque, Sidoine Apollinaire, rapporte dans une de ses lettres que les bateliers de la Saône tiraient leurs barques avec des cordes, appelés pour ce motif (Helciarii) et que les nautoniers avaient coutume de s'encourager à ce travail par des chants.

Les archives de la Haute-Saône en 1465.

Les archives de la Haute-Saône conservent une curieuse enquête faite en 1465 au sujet d'une difficulté pendante entre les bateliers de Selles et l'abbaye de Clairefontaine à l'occasion du droit de péage établi au profit de cette dernière sur la Saône, à une écluse située entre Corre et Ormoy.
Comme ce procès, qui fut porté devant Pierre Baulay, de Jonvelle, lieutenant de "noble homme et saige Eliot Jaquelin, écuyer, bailli et capitaine de Jonvelle, pour très redoublée et souveraine dame madame la duchesse et comtesse de Bourgoigne, dame dudit Jonvelle, " renfermé de précieux détails sur les habitants de Selles, qui ont été, paraît-il et sont encore les principaux bateliers de la Saône, ainsi que sur la navigation de cette rivière.

"Qu'il était vrai auxi que tous marchans et fréquentant la rivière de Sogne, menans et couduisans navoys (bateaux) chargés de molles (meules), mortiers, verres, ciyves (planchettes) et autres marchandises et danrées passant par ladite rivière de Sogne".

"Car lesdits deffendeurs et autres passans contreval ladite Sogne, vont au long dicelle tout au long de la comté de Bourgoingne jusques à Chalon, dès Mostureul-sur-Sogne sans rien païer, et cils passant par les bonnes villes cy-après, desclairées, esquelles a plusieurs molins, portz et passaiges, c'est assavoir par Port-sur-Sogne, Conflandey, Sceith (Scey), Ray, Savoieul, Molin-Neuf (Moulin-Neuf), Vereul, Rigney, Gray, Auxonne, Saint-Jehan-de-Lone, Parrigney, Chastellet, Poilley, Seurre, Chezelle, Chasnoy, Verdun, Leliot et Chailon, auxquels passaiges ne autres marchans lesdits deffendeurs ne paient riens de telles servitudes."

Mais le bailly de Jonvelle donna gain de cause aux religieux de Clairefontaine, reconnut l'existence du droit de treu ou de péage, et condamna les habitants de Selles, représentés par les deux bateliers nommés dans le procès, au paiement des engrognes et aux dépens.

Ce document prouve que la navigation de la Saône supérieure était assez active au XVe siècle, puisque deux bateliers y conduisirent à eux seuls quatorze "navoys" ; trois autres bateliers sont encore cités dans le procès, et il est probable qu'ils n'étaient pas les seuls. On peut donc approximativement estimer que plus de 200 bateaux circulaient annuellement entre Selles et Chalon sur Saône.

En 1801

En 1801 la Saône est encore utilisée pour le transport de merrains.

La Saône, cette rivière qui fertilise et embellit tous les pays qu'elle traverse, sans jamais causer de ravages considérables, prend sa source à Vioménil, dans l'arrondissement de Mirecourt, passe à Darney, et entre dans le département de la Haute-Saône, au-dessous de Châtillon. A Monthureux sur Saône, on abandonne à ses eaux des merrains qui, rassemblés à Jonvelle, dans la Haute-Saône, sont divisés en coupons ou trains, pour être embarqués à Corre, d'où ils sont transportés à Lyon. Cette rivière, presque partout encaissée, procurerait une navigation sûre, à cause de la tranquillité de son cours.
Par le citoyen DESGOUTTES, Préfet. 18 Janvier 1801.

Vers 1860

Vers 1860 une pirogue à la façon de celles que fabriquent les Sauvages, c'est-à-dire faite d'un tronc d'arbre et creusée au leu, a été retrouvée dans la vase de la Saône près du port de Gray. Des ouvriers employés au dragage ou d'autres personnes l'on brisée presque immédiatement à coups de hache, ne se doutant pas de l'intérêt qui s'attachait à sa conservation.
En 1877, une pirogue du même genre a été trouvée dans le lit de la Saône, un peu au-dessous de Scey-sur-Saône.

Les embarcations de l'époque gallo romaine sont principalement des pirogues monoxyles (creusées dans une seule pièce de bois) et les chalands (monoxyles assemblés) se retrouvent dans tous les fleuves de cette période et présentent un faible tirant d'eau.

Ces voies font actuellement l'objet de recherches archéologiques (Clubs archéologiques d'Ainvelle, de Contrexéville, d'Escles).

LES NAUTES LE COMMERCE RAVITAILLEMENT LIAISONS

le bassin des sources de la Saône de Gérard ROYER

L'auteur Gérard ROYER

Quelques ouvrages de références

Des recherches archéologiques importantes dans la région de Chalon-sur-saône (Archéologie de la Saône, Louis BONNAMOUR, édition ERRANCE / Ville de Chalon) http://www.mairie-chalon-sur-saone.fr retracent l'activité de cette voie navigable, jusqu'à Port-sur-Saône.

La navigation sur les fleuves en gaule romaine, les différents types d'embarcations, les corporations de bateliers (nautes de la Saône et du Rhône splendidissimum corpus ) sont décrites principalement dans deux ouvrages Hommes et Fleuves en gaule romaine de François IZARRA éditions ERRANCE 1 rue de l'Arsenal 75004 PARIS

et du même auteur Bateaux des fleuves en gaule Les Cahiers du Musée de la Batellerie, 3 Place Gévelot Conflans-Sainte-Honorine 78700.

Le site du Musée de Ath (Belgique) http://www.ath.be/espace-gallo-romain.html avec l'exposition d'embarcations gallo-romaines découvertes à Plommeroeul qui confirment la fréquentation des voies navigables du nord de l'Empire romain.