RAVITAILLEMENT ET TRANSPORT DES TROUPES

Dans une moindre mesure, César tira les mêmes avantages des fleuves de Gaule pour ravitailler ses troupes en campagne. Quelques indices glanés dans les Commentaires indiquent qu’il se faisait suivre par un train fluvial. Il remarque lui-même, alors qu’il suit les Helvètes : " quant au blé qu’il avait fait remonter la Saône sur des navires, il ne pouvait l’utiliser parce que les Helvètes s’étaient écartés de la Saône et qu’il ne voulait pas perdre contact avec eux ". Le souci d’un ravitaillement régulier l’incita à faire surveiller les voies fluviales en établissant des quartiers d’hiver dans des lieux propices à la protection des convois : il plaça des garnisons sur la Saône, chercha à contrôler des villes comme Besançon dont il reconnaît l’importance tant stratégique qu’économique sur le Doubs.

Ce mode de circulation était d’une incroyable lenteur comme en témoigne ce récit détaillé de la descente d’une armée sur la Saône puis le Rhône au début du IVème siècle. Dans les années 309, alors qu’il était basé sur la frontière de Germanie, Constantin apprit que Maximien s’était réfugié à Marseille. A marches forcées, il quitta donc les rivages rhénans pour gagner Trèves puis Chalon-sur-Saône où les troupes s’embarquèrent pour se reposer. Mais laissons un orateur du temps poursuivre :

" c’est alors que la précaution prise par toi de leur ménager des embarcations à partir du port de Chalon pour réparer leurs forces faillit déplaire à leur impatience. Ce fleuve aux eaux paresseuses et hésitantes leur semblait n’avoir jamais été plus nonchalant. Tandis que les bateaux glissaient sans bruit et que les rives lentement s’effaçaient derrière eux, ils s’écriaient que l’on restait sur place et que l’on n’avançait point ! Alors, usant des mains plutôt que d’aller à pied, ils se courbèrent sur les rames et leur effort triompha de la nature du fleuve. Les lenteurs de la Saône enfin surmontées, ils furent à peine satisfaits du Rhône lui-même qui leur paraissait se précipiter sans hâte et courir vers Arles moins vite qu’à l’habitude ".

Le voyage s’acheva dans le grand port méridional d’où ils prirent la route pour Marseille. Ce texte montre combien la voie d’eau, pour reposante qu’elle soit, est un mode de locomotion lent, à tel point qu’on hésita entre cette dernière et la route. Il est vrai qu’à la descente la Saône ne permettait pas un voyage rapide, d’autant plus qu’il s’effectuait au départ à vau-l’eau, au gré du courant, et que la rivière passait pour particulièrement lente aux yeux des Anciens.

 

Classis Araricae : flotte de la Saône qui stationnait à Chalon-sur-Saône. Ces deux flottes devaient contrôler le commerce sur le Rhône et la Saône, importantes voies des transports militaires vers la frontière de Germanie. La Notitia ajoute qu’elle mouillait à Caballoduno (mis pour Cabillone) qui pourrait s’expliquer par la contraction de Cabillone et de Lugduno. Dans cette hypothèse, elle aurait eu un double stationnement à Lyon et Chalon.

Des fêtes à caractère religieux, organisées autour d’un fleuve pour lui rendre hommage, avaient certainement lieu en Gaule. La documentation antique fait malheureusement défaut, mais l’utilisation rétrospective et prudente de témoignages plus récents, dont le caractère archaïque est patent, permet en partie de combler cette lacune. On pensera aux curieuses fêtes qui se déroulaient autrefois à Lyon sur la Saône et qui étaient connues sous le nom de " fêtes des Merveilles ". Chaque année le 2 juin, cette cérémonie réunissait en procession les paroisses de la ville qui se rendaient en barques sous le pont enjambant la Saône, à l’aplomb de l’arche dite des Merveilles. Entre autres rites, les festivités comportaient des sacrifices d’animaux. Une ancienne gravure lyonnaise saisit ce rare instant où un taureau, victime accoutumée du sacrifice, est précipité du haut du pont. Une fois dans le fleuve, des participants montés dans des bachots égorgeaient l’animal avant de ramener sa dépouille sur le rivage.