LA SITUATION GEOGRAPHIQUE
Les vestiges ont été découverts à 1 km de la sortie
Sud du village. Le site est bordé à l'est par la D 25 reliant
Ainvelle à Fresnes, au Sud par le Bois de la Roye Demange, derrière
lequel à 250 m seulement se trouve lancienne Voie Julienne, à
louest par les premières pentes boisées de la Grande Côte
dAinvelle (anciennement Cote Devis) et au nord par un chemin le séparant
dun pâturage. Ce chemin continue vers la Grande Côte, peut-être
un chemin daccès à ce domaine gallo-romain.
La découverte des vestiges sétend sur près de 2 hectares,
leurs principales concentrations se trouvant presque toujours sur des proéminences
accentuées en lumière rasante. La découpe du terrain présente
une anomalie parcellaire évidente : un grand rectangle de 230 x 104 m
orienté Est-Ouest (décumanus) sur lequel se raccorde à
lextrémité du côté sud un petit rectangle de
120 x 30 m orienté Nord-Sud (cardo). Le site est adossé à
la base de la Grande Côte qui culmine à 435 m. Elle fait partie
des 3 Côtes dAinvelle visibles à plus de 25 km à la
ronde suivant une orientation N.O. S.E.
LE CONTEXTE
Le choix du site est très habile :
exposition Est permettant un ensoleillement très matinal et la dissipation rapide des rosées,
protection totale des vents dominants dOuest et du Nord,
pente douce de 1 à 2 % permettant un bon écoulement des eaux,
vue panoramique calme et reposante sur lensemble du domaine et le paysage.
Lexploitation scénographique du site est totale.
Le 21 septembre 1986 à 7h30 nous nous sommes rendus sur le site pour
photographier le lever du soleil. Le village était enveloppé dun
épais brouillard qui ne se dissipa quà partir de 9h30. En
arrivant sur le site nous eûmes la surprise de découvrir, que non
seulement il ny avait pas de brouillard, mais que le ciel était
parfaitement bleu. Le soleil pointait à lhorizon.
Limportance de la forêt est telle, quelle a dû permettre
un approvisionnement régulier, aussi bien en gibier quen bois.
Largile du terrain a pu servir à la fabrication des tuiles, des
briques et de certaines poteries indigènes retrouvées sur le site.
Nous avons fait des essais de cuisson entre 600 et 1100 °C. en utilisant
largile des couches inférieures du terrain. Nous avons obtenu le
coloris exact des tuiles en ne dépassant pas 800 °C.
Juste en amont du site, sur les premières pentes de la Grande Côte,
et à moins de 400 m, se trouvent les carrières doù
ont été tirées les pierres calcaires provenant des affleurements
locaux du Muschelkalk. Sur le sommet des 3 Côtes se trouvent également
des affleurements de grès du Rhétien Inférieur. Ces deux
types de pierres sont retrouvés dans les substructures mises au jour.
Lorigine de lalimentation en eau na pas encore été
découverte. A 500 m en amont côté N.O. se trouve un point
deau cimenté et effectué sur une canalisation enterrée
et réalisée en pierres. Investigation à poursuivre ?
En partant de langle N.O. du site et sans avoir connaissance de ce point
deau, un sourcier nous y a conduit directement au seul moyen de sa baguette
de noisetier.
Enfin, le ruisseau de Ferrière ou ruisseau dAinvelle coule quelques
800 m plus bas et longe la " Vieille Route " reliant Ainvelle à
Fresnes.
Ces conditions géographiques et géologiques extrêmement
favorables ne pouvaient que privilégier le choix de cet emplacement.
Cependant limage la plus forte pour celui qui découvre Ainvelle
la première fois, est cette toile de fond représentée par
la découpe arrondie des 3 Côtes. Les Romains ny ont certainement
pas été insensibles, eux qui avaient une si forte attirance pour
la pratique dun culte naturiste. Bourbonne-les-Bains, station thermale
et sanctuaire antique, nest quà 4 km de la Grande Côte.
TOPONYMIE
La microtoponymie est très révélatrice.
Le site se trouve enclavé sur deux lieux-dits : Giraucourt et la Roye-Demange,
nous ne retiendrons que le deuxième :
LA ROYE DEMANGE : Demange / Dominica / Domaine
Le domaine du Seigneur,
La villa du Seigneur
AINVELLE sappelait encore ONIVILLA en 1136.
LES RECHERCHES SUR LE SITE
1) LES SOURCES
Il suffit de faire parler les vieux du pays pour sentendre
conter lhistoire du château et de lentonnoir :
Le château dont il ne reste que les murs enfouis sur lesquels ont buté
les socs des charrues, les tuiles à rebords que lon rapportait
chez soi après le labour, tuiles inhabituelles dans la région
par leur dimension, leur forme et leur poids,
Lentonnoir rebouché depuis 25 ans et autour duquel circulent les
plus fabuleux récits, notamment celui voulant en faire le souterrain
du château,
Le puits qui, sur le terrain, se situerait dans une tache restant toujours humide
même pendant les périodes les plus sèches,
Autant de récits qui se perdent dans la nuit des temps, mais que le bouche
à oreille a su conserver si vivants au fil des siècles.
2) ETAT ACTUEL
Cest à la suite de ces récits que nous avons commencé
notre prospection de surface durant lété 1985. La moisson
fut abondante :
clous forgés de toutes dimensions, une fibule
crochets à tubulis prouvant le chauffage par les cloisons,
un poids de balance romaine pouvant faire penser à une utilisation commerciale,
un scellement au plomb et un fragment de tuyau en plomb,
des tessons de verre et de poterie dont certains en sigillée,
des tesselles blanches et noires, une tesselle en pâte de verre bleue
et des fragments denduits muraux peints prouvant la richesse de lhabitation,
des scories attestant certainement une petite métallurgie du fer,
une tegula complète (tuile plate à rebord), des quantités
de fragments de tegulae et imbrices (tuiles demi-rondes),
des briques de toutes dimensions et de toutes épaisseurs, dont beaucoup
avec des stries dadhérence sinusoïdales,
des quantités de morceaux de béton et de mortier rose à
tuileaux.
CONCLUSION
Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour découvrir le nombre et limportance des bâtiments, leurs destinations, et surtout les périodes doccupation du site jusquà son abandon après les invasions barbares du 5ème siècle.
Le travail de recherche archéologique sui reste à accomplir est
considérable. Les jeunes du villages qui sassocient à notre
entreprise découvrent que le passé de la ROYE DEMANGE est beaucoup
plus ancien quils ne limaginaient et, surtout, beaucoup plus riche.
Nous souhaitons démontrer avec eux la grande valeur de ce site antique,
son apport au patrimoine de notre village et de notre région. Nous remercions
tous ceux qui nous aident dans notre tâche ou apportent une participation
quelconque, si minime soit-elle. Nous espérons les revoir périodiquement
sur le site et pouvoir répondre à leurs nombreuses questions restées
encore sans réponse.