FOUILLES 1986
Une autorisation temporaire de sondage délivrée par les Antiquités Préhistoriques et Historiques de Lorraine, dont le siège est à Metz, nous a permis de continuer et d’étendre les fouilles durant l’été 1986. Trois autres sondages ont été démarrés apportant les découvertes suivantes :
Sondage n° 2 – Coordonnées C 11
Ce sondage nous a permis d’atteindre le sol d’une habitation.
C’est sur ce sol que furent découvertes les deux premières pièces de monnaie du site :
Le système monétaire sous les Antonins et le pouvoir d’achat des monnaies
La monnaie est un message à l’Empire et la vitrine de Rome. Les moyens de relations et de communications ne sont pas rapides. La monnaie est le "journal" de l’époque qui informe, jusqu’aux plus lointaines provinces de l’Empire, des changements intervenus à Rome sur le trône des Césars. Elle est le véhicule de la mode impériale : coiffure et barbe de l’Empereur. Elle est son support de propagande : les victoires, la déification. Le revers quant à lui est un véritable message à l’Empire : la Paix, la Victoire, la Fortune, la Prospérité.
Dans tous l’Empire Romain, la monnaie utilisée est la monnaie romaine. La frappe des espèces en bronze était concédée au Sénat, sous le contrôle de l’administration impériale. C’est pourquoi les monnaies de bronze portent toutes, au revers (voir en bas du revers du Sesterce d’Antonin), les lettres S et C (ex senatus consulto), c’est-à-dire " frappé par décret du Sénat ".
Le sesterce valait le centième de l’aureus (or), le quart d’un denier (argent), deux dupondi (bronze) ou quatre as (cuivre). On s’accorde à donner au sesterce la valeur de 4 Francs actuels.
En Italie, on demandait 4 sesterces, c’est-à-dire 16 F pour 8,7 l et /ou 5.6 kg de blé ; en Egypte, il n’en coûtait que 2.5 sesterces pour la même quantité.
En 153, sous Antonin le Pieux, le vin ordinaire valait à Rome 60 sesterces (240 F) l’amphore (26.25 l), soit 9.15 le litre environ. Mais autour de Naples et Pompéi, grande région productrice, il coûtait de 1.82 à 7.31 F le litre.
Quelques prix de viande : 12 à 24 sesterces le kilo de bœuf ou de porc (48 à 96 F), 44 sesterces pour l’agneau (176 F).
Quelques salaires : un travailleur manuel 4 sesterces par jour (14 F, soit environ 480 F par mois), un légionnaire 400 F par mois environ (logé-nourri). Un " colonel " touchait 60000 sesterces par an (20000 F par mois).
ANTONIN LE PIEUX (138-161 ap. JC)
HADRIEN (117-131 ap. JC)
Sondage n° 3 – Coordonnées A 7 – 8
Une très forte concentration de tesselles sur le terrain nous a fait choisir l’endroit de ce sondage. Nous tombons immédiatement sur une aire empierrée, faite de pierres posées de chant. Sur le côté Sud de cette zone, un mur de 45 cm dont la base, après deux rangées de pierres, s’appuie sur de l’argile verte contenant des fragments de bois calciné. En continuant de descendre, une rangée de pierres posées à plat à 60 de la tête du mur.
Cette rangée de pierres continue vers le Nord dans une couche remblayée et vient buter sur un dépôt de cendres de 20 cm d’épaisseur. Pas de tesselles dans cette fouille, ce qui prouve que celles trouvées en surface ont été déplacées. Foyer artisanal ou foyer de chauffage ?
Sondage n° 4 – Coordonnées C 7
Aspect général
Deux grands sols en terrazzo avec un décalage de 25 cm, pouvant provenir de la recharge du sol supérieur. A vérifier par une coupe stratigraphique.
Sur le côté Est, deux petits foyers avec des pierres en grès (1) disposées en angle, une tegula (2) posée à plat sur un lit de mortier jaunâtre. Une forte concentration de fragments de tegulae et d’imbrices, pouvant faire penser à leur déversement en ligne durant l’éboulement d’une toiture. Un amoncellement témoin (3) a été laissé en place. Beaucoup de taches noirâtres de combustion dans toute cette zone qui fait penser à des structures artisanales.
Etude des tesselles de la ROYE DEMANGE
Sur le côté Ouest, angle inférieur droit de la photographie (Sondage N°4), des centaines de tesselles. Certaines sont encore assemblées par groupes pouvant en comprendre jusqu'à 9.
Contrairement au sondage n° 3, il n’y avait pas de tesselles sur le sol de cette zone. La fouille horizontale nous les fait découvrir à –25. Les arêtes sont parfaitement nettes. Elles reposent sur une couche faite de terre, de mortier et de gros fragments de briques décomposées.
Le groupe n°5 se trouve face plane vers l’intérieur alors que le n° 6 se trouve face plane vers l’extérieur. La différence d’aspect de surface est visible sur la photographie. Le labourage n’ayant pas atteint la couche des tesselles, on peut imaginer que le groupe 5 se trouvait dans une position initiale verticale d’où par éboulement il serait tombé la face plane vers le sol. Cette position verticale s’expliquerait peut-être par des bandes de pavement décoratives en bas de mur ?
Ces tesselles ont une forme cubique de 1 cm d’arête, quelques-unes 1,5 cm. Leur densité moyenne est de 2.38 pour les blanches et 2.60 pour les noires.
Un examen microscopique (x 20) des tesselles blanches permet de dégager les observations suivantes :
Une cassure franche met en évidence les micro-cristaux de calcite blanche, prouvant que la matière est bien du marbre. Cette roche n’existe pas dans notre région proche. Tesselles de Gaule ou tesselles d’importation par le port de Corre ?
Des stries d’environ 1 mm, et se croisant souvent à 45 °, sont visibles sur la surface plane. Peut-être un dégrossissage au peigne avant le ponçage à la pierre de grès ou alors les marques du sciage ?
Nous avons essayé plus haut d’apporter la preuve d’un positionnement vertical. Nous allons essayer, à présent, d’apporter la preuve d’un positionnement horizontal et, de plus, en immersion dans l’eau.
Beaucoup de tesselles ont encore la surface plane revêtue d’une couche calcaire de 0,5 ou 0,9 mm. Cette couche est régulière et absolument plane. Observée sur tranche, elle montre un dépôt successif de 5 ou 9 couches rubanées. Ces tesselles ont donc séjourné assez longuement, en position horizontale, dans un bassin d’eau calcaire.
Une autre observation microscopique est très révélatrice quant à la pose de ces tesselles. Si l’on regarde la face envers, le mortier de chaux est blanc, ponctué par des taches rondes représentant des petits morceaux de tuileaux ne dépassant pas 1 mm et par des grains de quartz de 1/10 à 6/10 mm. Ce mortier remplit les interstices des assemblements de tesselles jusqu’à 7 ou 8 mm de la hauteur ; puis la différence est remplie par un mortier qui, cette fois, n’est plus blanc, mais rose. Sa coloration provenant de tuileaux finement écrasés et qui colorent l’ensemble.
Cette observation montre que les tesselles étaient posées par enfoncement sur un lit de pose en mortier blanc et qu’après assemblage, on complétait le remplissage des interstices avec un mortier rose. On se souvient que Vitruve indique " tuileaux pilés et tassés " pour renforcer le mortier et lui conférer une meilleure tenue à l’eau.
Cette fouille va peut-être nous conduire à de plus grandes surfaces de pavements de tesselles.
Nous approchons peut être d’une mosaïque ou tirons simplement le constat de sa destruction.
STATUMEN:couche inférieure du lit de pose d'une mosaïque composée le plus souvent d'un mortier de terre, de moellons ou gros galets formant hérisson.
RUDUS:couche intermédiaire du lit de pose d' une mosaïque faite d'un béton de chaux ou abondent les morceaux de briques et de tuiles.
NUCLEUS:derniére couche du lit de pose d'une mosaïque sur laquelle sont placées des tesselles: elle est constituée de briques pilée et de chaux et a en moyenne 2 à 5cm d'épaisseur.